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" Книга - друг челавека. " (Livre - ami de l'Homme)

- Proverbe Russe

26 oct. 2010

Écrire.

Saint-Jérôme écrivant, de Caravaggio
       J'allais répondre au billet de Benoît Bourdeau, mais je me suis rendu compte que j'en avais plus long à dire que ce que je croyais. J'ai donc décidé d'en faire un billet.

       Je répondais à ce commentaire de Benoît :

« J'écris parce que j'aime ça. Qu'on le veuille ou non, inconsciemment, le but à atteindre est la publication. C'est toujours valorisant de savoir que notre produit est bien.

je crois que quelqu'un qui joue de la musique veut être écouté, celui qui écrit veut être lu et celui qui écrit des scénarios de films veut être vu


Cependant, il ne faut pas que cela devienne un fardeau ou une obligation, sinon, où est le plaisir? »

       « Inconsciemment, le but à atteindre est la publication » : d'accord.

       « C'est toujours valorisant de savoir que notre produit est bien » : en effet, mais est-ce qu'on écrit pour avoir des tapes dans le dos à chaque phrase qu'on compose? Je comprends ce que Benoît voulais dire et je crois que vous comprenez également ce que je tente de dire.

       Il faut que la motivation première en soit une qui se suffit à elle-même. Publier, pas tellement pour être lu, mais plutôt pour avoir le sentiment d'avoir accompli quelque chose dans le cadre du système littéraire moderne. La publication, c'est une consécration, c'est se faire dire qu'on joue dans la cours des gens sérieux. À notre époque où n'importe qui peu le faire sur internet, publier, c'est aussi un peu une blague.

       Écrire parce qu'on aime ça, d'accord. Mais c'est pas suffisant, sinon personne ne publierait. Publier pour être lu, exprimé de cette manière, on peut pousser ça un peu et aller voir ce qui se cache derrière.

       Je propose d'établir clairement la différence entre « être lu » et « partager un texte. » Quand on écrit, il y a une énergie qui se fond dans les mots qu'on pose sur la page, une énergie qui nous habite et qu'on transfert aux mots. Le texte, ici, prend le sens d'idée. Partager un texte, partager une idée. L'énergie qu'on infuse dans les mots en est une qui passionne, qui donne envie de créer dans le seul de rendre sa liberté à la création. Prendre plaisir à lui donner naissance et la regarder partir, voir les réactions qu'elle provoque. L'idée devient indépendante du créateur - concept de base auquel Barthes a consacré beaucoup de temps, entre autres le magnifique texte La mort de l'auteur. Elle s'insère dans l'esprit des autres et c'est magique de voir ça. Je crois que c'est ce partage qui compte réellement, pour quiconque aime créer. Le plaisir de brasser des idées, réfléchir et d'interagir. Il n'est question nul-part d'une soif de tapes dans le dos, il est question seulement d'êtres humains qui prennent plaisir à réfléchir ensembles : l'être humain est un animal social.

15 commentaires:

  1. J'aime beaucoup le terme « partager un texte ». Je trouve ces mots très appropriés.

    Il faut cependant tracer une ligne entre le plaisir et l'obligation.

    Je me demande si un auteur certain d'être publié a la même motivation qu'un auteur qui espère.

    On voit souvent une différence de style dans la musique. Au début, quand le band mangeait des sandwichs à la moutarde, il créait ses meilleurs chansons. Après 2-3 albums et la richesse, souvent, les fans passent à autres choses et le band disparaît.

    Surtout que notre époque en est une de surconsommation.

    On oublie aussi vite que l'on aime. La plus vieille chez nous rejette une chanson après une semaine!

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  2. @Frost : Je ne sais pas si la motivation est la même pour tous. Personnellement, j'écris mes textes de fiction pour la même raison que je tiens un blogue : en effet, j'aime partager mes idées, les voir changer en entrant dans l'esprit des autres, discuter de ce que les gens trouvent dans un de mes textes.

    Quand j'étudiais en littérature, je disais souvent à mes profs d'analyse littéraire "Oui, vous voyez ça dans le texte, mais est-ce que l'auteur l'a vraiment mis là?"

    À l'époque, les profs me disaient oui. Maintenant que j'écris, je sais que c'est faux. On trouve souvent dans un texte des choses que l'auteur n'a pas mises là volontairement. Ce sont des choses qui n'existent que dans notre esprit et qui se cristallisent au contact des mots d'un autre.

    Et c'est ça qui est trippant! C'est pour ça que c'est le fun de publier!

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  3. @Benoît : C'est là que se situe la notion de "rester vrai." C'est pas tout le monde qui est capable de rester vrai, malheureusement. Ça prend une certaine naïveté face à la vie, une naïveté bénéfique parce qu'elle nous garde en vie, vraiment en vie.

    @Gen : C'est justement là que l'indépendance d'une oeuvre face à son auteur a autant d'importance. Une oeuvre, ce n'est pas son auteur et l'auteur n'est pas son oeuvre. Une oeuvre a sa propre vie, son propre langage et peut exprimer des choses sans que l'auteur ait son mot à dire. La vraie relation importante est celle qui unis l'oeuvre avec son lecteur. Et il y autant d'interprétations d'une oeuvre qu'il y a de lecteurs. C'est un peu ça, la mort de l'auteur : redonner sa place au lecteur.

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  4. @Frost : Heu... il l'avait perdue sa place le lecteur?

    Désolée, après les profs menteurs, j'ai abandonné la littérature! lolol!

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  5. On s'intéresse toujours plus à l'auteur, à ce que l'auteur a à dire, à ce que l'auteur fait de sa vie, l'auteur, l'auteur, l'auteur. Un bon pourcentage des livres ont le nom de leur auteur écrit plus gros que le titre sur la couverture. Le lecteur dans tout ça est tassé dans un coin et obligé de prendre ce qu'on lui donne de la manière qu'on le lui donne. C'est pas tant que le lecteur a perdu sa place, c'est plutôt que l'auteur empiète trop sur ce lecteur. La relation d'un texte achevé est avec le lecteur, pas avec l'auteur. C'est dans ce sens là que le lecteur doit pouvoir reprendre sa place.

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  6. Disons quand même que ce qui n'est pas senti ie. parti d'un endroit de vécu pour l'auteur n'a pas du tout la même intensité que quand c'est le cas.
    Idem pour le lecteur qui reçoit le texte imbibé ou non de vérité.

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  7. J'imagine que c'est pour ça qu'on connecte mieux avec certains auteurs plutôt qu'avec d'autres. Une question de langage commun.

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  8. @Frost : Je comprends ce que tu veux dire, mais en même temps c'est un peu métaphysique... D'un autre côté, n'est-il pas intéressant pour le lecteur que le rapport de l'auteur à son texte soit le mieux analysé possible? Comme ça il sait quelle compréhension du texte est due à sa propre subjectivité et laquelle vient bel et bien de l'auteur.

    ... et ça sonne toujours métaphysique! :p

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  9. Oh my!!! On est rendu loin là. Je suis d'accord avec Gen. Je capotais à l'école quand on parlait de sujet intense qui se trouve dans un texte, les thématique que l'auteur souhaitait aborder et les sujets sous-entendu. Personnellement, quand j'écris un texte, si la violence ou le surmoi qui est trop fort ou aute : dommage collatéraux. Est-ce que l'auteur voulait le mettre là? Si oui, bravo le grand! Moi, je raconte une histoire, je ne souhaite pas faire la morale.

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  10. hummm! Désolé pour les fautes, j'ai tapé trop vite

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  11. C'est beau de vous lire. Merci Frost de soulever cette question. Moi non plus je n'étais pas d'accord de faire subir une psychanalyse à l'auteur alors que c'était l'histoire-idée et le style qui m'intéressait. Mais il faut admettre que c'est encore le cas dans les medias: il est question pendant 10-20-30 minutes de l'auteur et trois minutes du livre. Question que ça n'ait pas l'air de promotion! Et après on se demande pourquoi les gens ne lisent plus! On leur donne plus d'anecdotes sur les personnes, on en fait des vedettes et le livre, on oublie ça et le lecteur de roman, on ne l'interpelle pas.

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  12. @Gen : Je suis quelqu'un qui pense très souvent en des termes abstraits, métaphysiques. J'ai la conviction que comme le monde ne peut pas être compris dans ce qu'il est, on peut seulement espérer s'en faire une idée constructive à travers ce qu'il représente - et ça, c'est subjectif. Il y a autant de visions du monde qu'il y a de gens - et c'est parfait comme ça.

    Alors faut pas m'en vouloir si j'ai l'air de me perdre la tête dans les nuages, par moment - j'ai tout de même les pieds solidement sur terre. ; )

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  13. J'ajouterais à tous vos commentaires (qui, soit dit en passant, sont forts pertinents et intéressants) qu'il ne faut pas oublier la part de soi qui veut s'exprimer à travers notre écriture. Je suis convaincue qu'en chaque écrivain existe l'Écrivain Intérieur, cette partie invisible qui nous habite et qui connaît des choses que notre conscience humaine ignore. Oui, c'est très métaphysique, mais c'est aussi très réel. Vous l'avez sûrement tous et toutes vécu au moins une fois dans votre vie. Ce moment, durant l'acte d'écrire, où vous avez la sensation de ne plus contrôler ce qui sort de vous, vous en devenez le témoin, le premier lecteur (comme l'a déjà expliqué Stephen King dans son livre Écriture). C'est l'Écrivain Intérieur qui, en fait, a pris les rennes de votre histoire.

    André Gides, quant à lui, décrit ce phénomène comme suit: « Avant d'expliquer aux autres mon livre, j'attends que d'autres me l'expliquent. Vouloir l'expliquer d'abord c'est en restreindre le sens; car si nous savons ce que nous voulions dire, nous ne savons pas si nous ne disions que cela. - On dit toujours plus que CELA. - Et ce qui surtout m'y intéresse, c'est ce que j'y ai mis sans le savoir, - cette part d'inconscient, que je voudrais appeler la part de Dieu. »

    J'aime bien ce blogue ! Il se dit de belles choses. MERCI !! :o)

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  14. @Annie : OH QUE OUI. Dans mes moments de "vraie" écriture, je me sens comme si je n'étais qu'un pont permettant à quelque chose de plus grand que moi de s'exprimer par l'écriture. J'ai justement la ferme conviction que c'est dans ces moments là que mon écriture est la meilleure. C'est aussi ces moments là qui sont le plus satisfaisant pour moi, côté écriture.

    J'aime particulièrement quand c'est un personnage qui prend contrôle de mon écriture de cette manière là. Ça donne un sentiment de vraie vie une fois sur papier. Il n'y a que le passage concernant "la part de Dieu" qui chicotte mon côté athée, mais je comprends parfaitement où vouliez en venir.

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  15. Oui, moi aussi, je crois que nous ne sommes que des ponts permettant à quelque chose de plus grand que soi (moi, je l'appelle l'Écrivain Intérieur) de s'exprimer à travers nous par l'écriture. C'est en cela que réside toute la beauté de l'acte d'écrire. L'humilité est la clé. L'humilité, mais aussi l'esprit d'aventure, puisqu'en écrivant avec cette ouverture intérieure, on fait toujours face à l'inconnu.

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