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" Книга - друг челавека. " (Livre - ami de l'Homme)

- Proverbe Russe

27 oct. 2010

Rosebud.

       Je viens d'écouter Citizen Kane pour la énième fois. Grands Dieux que ce film est incroyable. Un grand classique du cinéma, un film fondamental dans la construction du cinéma moderne.

       Pour ceux qui ne l'auraient pas vu, il s'agit de la biographie fictive de Charles Foster Kane - basé sur la figure réelle de William Randolph Hearst. Kane est un magnat des communications, un des hommes les plus riches et les plus influents au monde. Adopté dans son jeune âge par un riche investisseur, trainé loin de ses parents biologiques pauvres, il obtient une vie de rêve, une vie de laquelle il peut faire ce qu'il désire. Tout au long de sa vie, cet homme, Kane, ne connait réellement qu'une seule situation : un dilemme émotionnel dans lequel il tente de « persuader » les gens qu'il les aime tellement qu'ils devraient l'aimer lui, en retour. Ce film est l'histoire d'un homme triste, qui a tout gagné et tout perdu à la fois, qui n'a jamais pu satisfaire ses véritables besoins. Rosebud, l'élément central de l'énigme du film, est le mot que Kane prononce au moment de sa mort, le dernier mot qu'il prononce.

       Ce mot, Rosebud, des reporters tentent de trouver ce qu'il signifie. À cette fin, ils creusent toutes les sources d'information possibles - journaux intimes, gens qui l'ont côtoyé, etc. Ils ne trouvent toutefois jamais la clé de l'énigme. Seul le spectateur se voit offrir cette réponse : Rosebud est le mot écrit sur le petit traineau à neige que Kane possédait dans son enfance, lorsqu'il était chez ses vrais parents. Ce traineau, il l'a gardé tout au long de sa vie. Rosebud, le nom de son traineau. Le symbole d'une vie qu'il aurait pu vivre, d'une autre identité qu'il aurait pu revêtir, d'un autre lui. Le symbole d'un autre chemin.

       Sur son lit de mort, un grand magnat des communications, un homme riche possédant des milliers d'oeuvres d'art, un ranch plus grand que l'état du Rhode Island, tout le pouvoir du monde, pense à l'autre vie qu'il aurait pu vivre, s'il n'avait pas été adopté par le richissime homme d'affaire.

       Cette réalisation porte à réflexion. Je me suis retrouvé à me demander si ma vie aurait été meilleure si les choses avaient pris un cours différent à certains points. Si telle ou telle chose s'était produite différemment. Ce genre de réflexion peut sembler malsain : ce qui est arrivé est arrivé, il ne sert à rien de divaguer sur ce qui aurait pu être, ce qu'il aurait pu se produire. « Avec des si, on mettrait Paris en bouteille. »

       Mais un homme, sur son lit de mort, se pose encore cette question. Le doute est constant, il gruge et défigure une vie entière. La recherche de l'amour des autres pousse un homme à se demander s'il n'aurait pas mieux vécu si le point tournant, l'élément majeur de sa vie ne s'était jamais produit. L'être humain est fait de cette manière - le rapport au temps est quelque chose qui va hanter tous et chacun, souvent sans même que l'on s'en rende compte. On respire constamment, parfois sans s'en rendre compte - un geste tellement habituel qu'on l'oublie : le rapport au temps est semblable. On l'oublie.

       Plusieurs moments de ma propre vie ont cette caractéristique : et si cet événement s'était produit différemment? Et si, durant mon voyage en Islande, mon bâton de marche ne m'avait pas empêché de faire une chute vers une falaise haute de 20 mètres? Et si, en sixième année du primaire, je n'avais pas été harcelé de manière constante par des enfants en quête de divertissement? Et si mes parents ne m'avaient pas encouragé à écrire dès mes premières années d'école? Tellement de questions qui vont toujours rester sans réponse. On peut aussi bien demander : et si les Espagnols n'étaient jamais débarqués en Amérique du Sud, que seraient les Incas à notre époque?

       Ces questions ont beau avoir l'air vaines, elle sont tout de même suffisamment puissantes pour habiter l'esprit d'un Homme de très forte manière. Il doit bien y avoir une raison à cela. Ce questionnement est d'une telle voracité qu'il s'impose irrévocablement, remet en question le rapport que nous entretenons avec le temps qui passe, avec l'impossibilité de revenir en arrière. Le passé n'existe que dans notre tête, jamais ailleurs. Il n'est qu'une illusion. Et notre questionnement se pose donc face à cette illusion de ce qui a été et jamais plus ne sera. L'Homme est un animal un peu bête, parfois - même souvent. Enfiler des pantalons, faire exploser une bombe atomique - mais être incapable de gérer vraiment son rapport avec un concept aussi fondamental que le temps.

       Drôle de monde que le nôtre, drôle d'espèce que l'Homme. Un singe en complet cravate qui nage dans une eau boueuse.

2 commentaires:

  1. Tu me rappelles mes années de cégep. J'ai vu ce film dans mes cours de littérature anglaise. J'ai tout de suite cliqué quand j'ai lu ton titre. Je revoyait la petite luge instantanément dans ma tête.

    Je ne me pose pas les questions du si, d'une alternative. Je vais où la vie me mène : il n'y a jamais rien qui arrive sans raison. Si je n'avais pas rencontré mon ex, je serais allée à l'UQTR en rédaction littéraire. Mais comme je l'ai rencontré, je suis allée à l'UL en Communication publique. J'ai fais la connaissance de quelqu'un d'autre à un moment où ça n'allait pas. On s'est séparé. Le jeune que je fréquentais n'a pas aimé que je me choississe une chambre dans un logement avec des colocs gars, il a mis une fin à nos fréquentation. J'ai rencontré mon conjoint : un des colocs. Ça fait 10 ans que ça dure et que je suis heureuse. Dites après que je la vie n'est pas bien faite =)

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  2. Il y a une citation qui représente assez bien mes idées face à tout ça, ça rejoint ton idée :

    « Toute pierre lancée au hasard se dirige, avec une étonnante précision, vers l'endroit qu'elle finira par atteindre. »

    - Jean-Claude Silberman

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