Citation du maintenant


" Книга - друг челавека. " (Livre - ami de l'Homme)

- Proverbe Russe

9 mars 2011

Le retour.

       Eh bien, malgré une journée entière (de 10h jusqu'à 20h - sérieusement) passée le nez dans mes bouquins de Russe, j'ai réussi à trouver le jus nécessaire pour terminer le premier jet d'une nouvelle débutée en janvier. Je suis surpris d'avoir eu cet élan d'écriture en une telle soirée.

Uapishka, les Monts-Groulx, dans Manicouagan
       Le monde familier de l'écriture et de la lecture, que j'ai pratiquement cessé d'habiter depuis les débuts de mon apprentissage de la langue Russe, me fait à nouveau de l'oeil, me semble à nouveau invitant. La satisfaction d'avoir terminé un premier jet ce soir y est certainement pour quelque chose. Une semaine de révision et ce sera la soumission. À qui? J'en sais encore rien.

       Et puis un autre projet de texte revient me hanter. J'avais pris en note quelques détails durant un cours de ma session de l'automne dernier et je suis retombé par hasard sur ce bout de papier, que j'avais complètement oublié. Ça m'inspire et j'ai l'impression que ça vient de quelqu'un d'autre - ça mène à une étrange culpabilité satisfaite. L'impression de voler des idées à un moi-même maintenant disparu. Un espèce de double qui a dormi un peu trop longtemps et qui commence maintenant à s'agiter.

       Ou bien peut-être qu'il ne fait que parler dans son sommeil.

10 févr. 2011

Un peu de pub, c'est honnête.

       Je suis ici pour le plaisir, mais aussi pour me faire lire et en retirer de la critique constructive - et une certaine visibilité qui, peut-être, saura grandir avec le temps. Sachez donc que le prochain numéro de la jeune revue littéraire A.S.I.L.E. contient un texte de mon cru. Je l'ai écrit sous mon nom de plume habituel : Alexandre Albert. Le titre : La rage et l'oubli. Le style : lisez et voyez.

       Je tiens par la même occasion à souligner la qualité des textes des autres auteurs : Nouveau Paradis, par Denis Moreau; Soif de liberté, par Florent Chamard; Schnortz, par Laurent Crevon; L'expérience du vide chez Tzara, par David Hébert, ce dernier texte étant un article.


       Également, comme j'ai déniché moi-même l'image qui accompagne mon texte dans les pages de la revue, je tiens à offrir à l'artiste qui l'a créée un peu de visibilité sur ce blog. Il est fort, très fort. Voici donc deux sites web qu'il tient pour exposer ses oeuvres : 


Fin.

7 févr. 2011

Temps de repos.

       Dit de manière très directe : depuis un certain temps, je ne trouve rien à dire qui vaille la peine d'être dit sur un blog. J'ai mes pensées, mes occupations. Dans mon apprentissage du russe, j'applique assidument ce proverbe : Повтопение - Мать учения. La répétition est la mère du savoir. J'y consacre plusieurs heures par jour, souvent six ou sept, quelques fois plus encore. Mon écriture a ralentit : j'ai plusieurs idées qui mijotent, elle vont se faire entendre lorsqu'elle seront prêtes à sortir. Je comptais participer au prix Solaris 2011, mais tant qu'à leur envoyer un texte sorti de force, je vais rien leur envoyer du tout. Je ne lis presque plus, non plus. Même la quantité de films que je visionne a diminué (c'est vous dire...). Mon dernier billet, je l'avais posté un soir dans un certain état de fatigue - le lendemain matin, il m'a semblé insipide et sans intérêt; je l'ai donc supprimé.

       Un sol en jachère.

18 janv. 2011

Remaniement.

       Je suis fatigué, mais heureux. J'ai passé une partie de la journée à foutre le bordel dans la pièce de ma maison contenant mon ordinateur, mon système télé/blu-ray/xbox et mes instruments de musique. Mon but était de faire entrer mon bureau de travail à un endroit bien précis de la pièce : directement devant la plus grande fenêtre de la maison. Eh bien, j'ai réussis. Encore mieux, même, mon meuble d'ordinateur est contre le mur directement opposé à cette fenêtre, ce qui fait que je peux rouler de l'ordinateur à ma table de travail en une petite poussée sur ma chaise à roulettes. Le bonheur total.

Tolstoï à son bureau de travail, 1908.
       Un espace de travail, c'est quelque chose d'important, pour moi. Je m'en rends compte depuis quelques temps. J'aime un espace dégagé, bien éclairé, qui respire. J'aime avoir un accès facile à tous mes trucs. La plus grande fenêtre de la maison semblais l'endroit idéal où installer mon bureau de travail. Depuis quelques mois, ce bureau était dans mon salon, enseveli sous des cossins. Avec mon cours de russe, j'ai beaucoup d'écriture et de lecture à faire. Je lis souvent dans mon fauteuil, mais c'est propice à une lecture de divertissement, pas à une lecture d'étude ou d'analyse. Puis pour écrire, je devais prendre une petite table pliante style Ikea et la planter devant le fauteuil en question. Fauteuil berçant, table chambranlante, j'étais tout sauf stable. Pas idéal. J'ai soudainement allumé : pourquoi faire mes trucs sur cette petite table minable alors que j'ai un bureau de travail qui dors dans mon salon? Trois heures plus tard, voilà : mon bureau est sous ma fenêtre. J'ai carrément hâte à demain pour pouvoir avoir le plaisir de m'installer à ce bureau, en avant-midi, avec la fenêtre devant moi qui donne plein-sud, puis écrire.

       L'image de l'écrivain à son bureau de travail a quelque chose d'inspirant et d'immortel, sans âge ni époque. Peut-être que la prochaine étape sera l'achat d'un petit portable dédié à l'écriture, sans internet et ses distractions, que je pourrai poser sur mon bureau pour écrire à mon aise.

       Vous avez un espace de travail?

2 janv. 2011

Le château des Hommes

Bamborough Castle, J.M.W. Turner, circa 1835

       C'est dans le port du Grand Rien que notre vieux rafiot accostera. Le quai, jeté à la mer par des mains sales, résonnera sous nos pas, un écho accablé. Une tempête accueillera nos yeux. Un vent tranchant ouvrira nos lèvres gercées par le sel; du sang en giclera. Nos pas guiderons nos corps vers le mucus des plages noires. Des vagues de pus et de mousse s'abattront derrière nous, effaceront les traces de nos semelles usées. Au large, des pêcheurs tireront des filets. À travers les orages, ils ne trouveront comme prises que de vieux clous rouillés. Ils reviendront vers le rivage par élans de souffrance, voiles pleines de cris et complaintes. Une fois à portée de voix, ils supplieront leurs femmes de fixer leurs amarres. Des enfants osseux geindront, se colleront à nos jambes. Nous marcherons.
        Notre chemin nous mènera vers un château, au sommet d'une falaise fendant la mer en quatre : grand bâtiment blanc né de la terre, sculpté par les brumes. Sa fondation sera un ressac violent où nous ne pourrons trouver refuge sans nous briser. Nous laisserons derrière nous cette plage où Hommes et chiens s'adonnent aux douleurs de l'amour. Nous passerons un cimetière vaste comme un monde : des pêcheurs y seront à polir rangée après rangée de monuments funèbres, chassant chats et corbeaux à coup d'injures. Nous ne regarderons pas, mais hisserons nos chairs vers le refuge du sommet. Le cri du vent suivra celui de nos gorges; le grincement du couchant, celui de nos genoux. Nous jetterons un regard lent vers le quai, tout en bas : notre rafiot sera là, assailli par un village de pillards. D'autres formes, buboniques, pliées, tenterons de fuir cette terre par où nous serons venus. L'embarcation se heurtera aux pointes du ressac – plusieurs corps seront déchiquetés. La mer crachera des roses sur la plage.
        Au château, nous trouverons un enfer de chaînes et de portes. Nous entrerons, sous le regard de gargouilles. Dans une pièce, un trône vide se tiendra. Partout, les pierres blanches, fixées contre l'acier du ciel – et le regard des monstres sculptés. Le trône appellera nos cœurs, les affligera d'un ardent désir de conquête. Nous voudrons un royaume bâtit de nos mains, conquit par notre sang. Nos veines en pulseront, presque à fendre; nous n'obtiendrons que des tombes. Nous nous y laisserons choir, sans soupir. Dans notre dernier souffle, les gargouilles, du haut des murs, souriront.


        Elles nous emporteront.



21 déc. 2010

Jeux vidéos.

       On dirait que plusieurs personnes de la génération de mes parents (figurez, les gens nés avant 1960, grosso modo) ne comprennent pas l'importance que les jeux vidéos ont pris dans le monde du divertissement. Je fais parti des premières générations qui ont grandi avec les jeux vidéos. J'ai reçu un Nintendo-NES à mon anniversaire de cinq ou six ans. Puis ça a été un Gameboy - celui qui pesait 10 livres avec un écran noir et blanc. Ensuite, j'ai eu une console éducative. Puis mes parents m'ont donné le choix entre un Sega Genesis et un Super Nintendo; j'ai choisi le SNES. Quelques années après, c'est un ordinateur qui est entré dans la maison, avec toutes les opportunités de jeux que ça implique. Simcity, Warcraft, Command & Conquer, Duke Nukem, etc.

       Les jeux vidéos, c'est un gros morceau de notre culture. Mais on dirait que les gens des générations précédentes, qui ont vu les jeux vidéos débarquer dans leur société de consommation alors qu'ils étaient eux-mêmes adultes, ont eu la forte tendance à associer jeux vidéos et enfants - pour ne pas dire enfantillages. Un Nintendo, c'est pas sérieux. Ben non, c'est pas sérieux, pas plus sérieux qu'une planche de Monopoly ou de Serpent et Échelle. Pas plus sérieux qu'un mot croisé.

       J'ai vingt-cinq ans. Je consomme toujours une bonne quantité de jeux vidéos. J'ai grandit avec ça, c'est un divertissement familier. Et dans tout ça, on dirait que les générations précédentes ont pas conscience du fait que, à trente ans, les gens de ma génération vont encore consommer des jeux vidéos. Puis à quarante ans, encore. Puis à cinquante ans. Autant le mononcle rocker qui écoutait du Charlebois dans les années 70 trippe encore à écouter ses viniles maintenant qu'il a 60 ans, autant les gens de ma génération vont aimer jouer à des jeux vidéos rendu au même âge. Comme le décalage générationnel qui sépare les générations Gamers des générations non-Gamers est encore présent dans la société, j'ai l'impression que beaucoup de gens ne réalisent toujours pas que, rendu à quatre-vingt cinq ans, je vais voir mon petit fils jouer à Final Fantasy 45 sur son Playstation 19 et je vais lui raconter les vieilles aventures de Cloud dans Final Fantasy 7, sur le premier Playstation, en 1997, dans le temps que les graphiques étaient encore juste en 64 bits. Et puis je vais surement chialer sur le fait que dans le temps de FF7, le système de power-up avec les Materia pis les Summons étaient ben mieux fait pis ben moins compliqués. Puis à mon aniversaire de quatre-vingt six ans, le même petit fils va venir passer une journée avec moi pour me montrer comment il fonctionne, le nouveau FF45, et puis je vais me rendre compte que, finalement, c'est vraiment l'fun.

       Quand je vais être vieux, les soins gériatriques vont être pas mal plus simples. Une  grosse TV, une console, 16 manettes, pis go les vieux, vous faites un Death Match de Unreal Tournament pendant que l'infirmière va fumer dehors 2 minutes.

17 déc. 2010

Ce n'est pas moi qui parle.

Фёдор Михaйлович Достоeвский
Fyodor Mikhaïlovitch Dostoïevski
       Ce n'est pas moi, non : c'est Dostoïevski.

       « Le sang et le pouvoir enivrent; l'abrutissement et la débauche se développent; l'esprit et les sentiments finissent par comprendre, et, finalement, aimer, les phénomènes les plus anormaux. L'Homme et le citoyen meurent pour toujours dans le tyran, et le retour à la dignité humaine, au remords, à la renaissance, lui deviennent quasiment impossible. »

       « La réalité est infiniment diverse, comparée à toutes les déductions, même les plus futées, de la pensée abstraite et elle ne souffre pas les distinctions trop fortes, trop violentes. La réalité tend à la fragmentation. »

       Ces deux citations sont tirées du roman Les carnets de la maison morte.

       « Le ciel était terriblement obscur, mais on pouvait nettement distinguer les nuages, avec, entre eux, des taches noires insondables. Tout à coup, dans l'une de ces taches noires,  j'ai remarqué une toute petite étoile, et je me suis mis à la regarder fixement. C'était parce que cette toute petite étoile m'avait donné une idée : j'ai décidé de me tuer cette nuit-là. »

       « À la fin, ces Hommes s'épuisèrent dans un travail absurde, et la souffrance parut sur leur visage, et ces Hommes proclamèrent que la souffrance est la beauté, car seule la souffrance est porteuse de pensée. »

       Ces deux ciations sont tirées du récit Le rêve d'un Homme ridicule.



       Il y a de ces auteurs qui « sonnent juste. » Dostoïevski en est un. Je peux également nommer Camus, Kundera, Auster, Tunström, Laferrière, Faulkner... La moindre étincelle d'humanité, ils la saisissent, se l'approprient, soufflent tranquillement, patiemment dessus, puis en font une flamme, un petit feu, un foyer en bonne et due forme - parfois, ils vont jusqu'à en faire un brasier, au point où ils en perdent le contrôle - et les mots se dotent d'une vie qui leur est propre, hors de tout intellect. L'auteur voit ses mots le dépasser, tout ravager, tout consumer.

       Et quand cela se produit, c'est merveilleux.

8 déc. 2010

Русский Алфавит.


       Comme je termine mon certificat cet automne, j'étais inquiet de passer l'hiver sans avoir de cours à l'Université. J'ai donc décidé de m'inscrire comme étudiant libre pour la session d'hiver 2011. J'adore les langues étrangères, j'adore les cultures nordiques, j'ai découvert récemment la littérature et le cinéma russe. J'aime bien me lancer des défis et je sais que j'ai une  certaine facilité avec l'apprentissage des langues. Je me suis donc dit : pourquoi pas prendre un cours de russe?

       Eh bien, voilà. Je suis officiellement inscrit, je commence le lundi 10 janvier. J'ai vraiment, vraiment très hâte de débuter. Hâte au point que, sachant que l'alphabet cyrillique va représenter un obstacle considérable - le premier gros obstacle, en fait - j'ai décidé de prendre un peu d'avance et de commencer à me familiariser avec l'alphabet russe : Русский Алфавит. C'est pas trop compliqué, il faut briser quelques réflexes dans certaines associations entre les sons et les lettres, ce qui peut être embêtant par moment, mais à la base, c'est rien de monstrueux. Moins ardu que les écritures japonaises ou chinoises, par exemple : avec le cyrillique, on reste dans une expression langagière écrite basée sur des agencements de phonèmes d'un nombre limité.

       Ce qui me complique la tâche un peu, c'est l'écriture cyrillique cursive - les lettres attachées. Un peu comme avec notre alphabet latin, l'alphabet cyrillique présentes des lettres qui changent de forme quand on passe au style cursif, pensez à notre f ou notre r minuscule. Sauf qu'avec le cyrillique russe, sur les 33 lettres de l'alphabet, il y a un nombre beaucoup plus grand de lettres qui changent de forme. Et parfois, elles prennent une forme identique à une de nos lettres latines. Bref, encore des réflexes à briser.

       Je crois que le russe va être un beau défi, pour cet hiver. Si j'aime, je vais certainement continuer avec le second cours, plus avancé. Avec le temps, commencer à bouquiner dans une librairie du quartier russe ne me déplairait absolument pas. Mais avant, je vais commencer par prendre ce premier cours!

       Un ami prend également ce cours, ses intérêts étant semblables aux miens. Ça va faire quelqu'un avec qui pratiquer mon baragouinage de débutant autour d'un thé samovar bien chaud. Autrement dit, une autre source de motivation - et fort probablement de plaisir. Je sens que mon hiver va être très intéressant...

2 déc. 2010

Liberté vs. obligations. (ainsi que crime et châtiment)

L'embarras du choix... ?
       Je l'ai déjà dit, j'aime l'Université. J'aime les portes qu'elle ouvre. J'aime le côté social qu'elle comporte. J'aime l'interaction intellectuelle qui en constitue la base. J'aime la liberté qu'elle apporte.

       La liberté. Mouais. Sauf dans un domaine.

       Choisir quels livres je lis.

       Quand je suis à l'Université, je perds la liberté de lire ce que je veux quand je veux. Si je suis chanceux, les livres à lire sont intéressants - c'est souvent le cas, en fait. Mais même quand les livres sont intéressants, ce n'est jamais la même chose que d'avoir la liberté de choisir sa prochaine lecture, que d'avoir la liberté de passer 20 minutes devant les tablettes de sa bibliothèque pour bien savourer le moment du choix du livre qui va habiter nos temps libres pour les prochains jours. Parfois plus que les temps libres d'ailleurs : d'la marde la lavage, moé je lis.

       Au début de la présente session, j'ai non seulement eu à renoncer à ma liberté de choix de lecture, mais j'ai même été obligé d'abandonner une lecture entamée. Il s'agissait de L'immortalité, de Milan Kundera. Abandonner un livre en cours de lecture? Et un Kundera en plus! Je vois d'ici quelques-unes de mes connaissances se scandaliser à cette idée - vous vous reconnaissez, si vous lisez ceci. Oui, lapidez-moi. Je le mérite.

Fyodor Dostoïevski
       Donc, la liberté du choix de livre. Pour la première fois depuis septembre, ce soir, j'ai eu cette liberté. L'élu : Les carnets de la maison morte, de mon vieux Dostoïevski. Vous comprendrez que ce serait ignoble de ma part que de retourner directement à L'immortalité de Kundera, un livre abandonné en milieu de parcours. Non seulement je dois venir à terme avec ce crime littéraire que j'ai commis (j'ai de la difficulté à me convaincre d'abandonner la lecture d'un livre que je trouve ennuyant, c'est pour moi une question de respect, à la fois envers l'œuvre, l'auteur et moi-même) mais je dois également attendre d'être dans le bon mood pour replonger dans le bouquin en question.

       Je termine donc ce billet en offrant mes plus sincères excuses aux auteurs dont j'ai abandonné une œuvre en cours route :  Franz Kafka, Milan Kundera, Mary Shelley, Léon Tolstoï, et j'en oublie surement.
      

30 nov. 2010

Ingmar Bergman.

Ingmar Bergman
       Je viens de terminer l'écoute de Bergman Island, un documentaire paru en 2004. Au fil de ses 80 minutes, on partage l'intimité du (très) grand cinéaste Ingmar Bergman - à la fois l'intimité de son foyer sur l'île de Fårö, en Suède, et l'intimité de ses pensées, de son bagage de vie. Cet Homme s'offre tout entier à Marie Nyreröd, qui mène l'interview autour duquel le documentaire se construit. Connaissant relativement bien l'œuvre de Bergman - plusieurs de ses films se sont inscrit en moi de manière absolument indélébile - je n'ai pu que fixer mon écran de télévision et boire chacune des paroles de cet homme habité par un besoin de créer. Son honnêteté est belle, troublante, parfois même cruelle.

       Pour le p'tit jeune que je suis, moi qui commence à découvrir le rapport entre un Homme et sa fibre créatrice, l'immense sentiment d'accomplissement de soi qu'elle peut fournir, ce documentaire a été une expérience quasi spirituelle. Bien sur, je n'ai pas été d'accord avec  chacun des mots de Bergman : j'ai un sens critique en plus d'avoir mes propres idées sur bien des choses. Mais voir un homme de sa stature poser un regard franc sur le chemin qu'il a laissé derrière lui, autant ses bons jours que ses moins bons, ne peut qu'être inspirant. Un tel partage de la part d'un artiste aussi imposant mérite mille fois d'être immortalisé sur vidéo.

Det Sjunde Inseglet, 1957

       Ici, je me rend compte que, en fait, je ne sais pas trop où je voulais en venir avec ce billet. Remarquez, je vis de manière assez forte avec ma propre créativité depuis quelques mois. Plusieurs des enseignants que j'ai eu le bonheur d'avoir à l'UQÀM m'ont permis de trouver le moyen de puiser dans des ressources dont je ne soupçonnais même pas l'existence il y de ça moins de deux ans. Je crois que j'ai pu trouver une certaine forme de miroir dans cet Ingmar Bergman qui s'ouvre tout grand. Je me rend compte de la beauté qu'une vie passée à créer peut contenir. Je me rend compte que nos plus grands succès ne sont pas nécessairement ces projets auxquels nous accordions le plus d'importance. Je me rend compte que l'on peut voir nos projets les plus chers faillir, s'écrouler entre nos doigts comme une statue de poussière et ainsi, malgré un succès fulgurant dans un « ailleurs » quelconque, notre paix avec la vie peut rester difficile à atteindre. La paix, je crois, plus que le bonheur, est ce qu'on cherche tous. La vraie paix.

Ingmar Bergman

       Je songe à tout ça et j'ai un peu le vertige. Je me demande comment ma vie va se dérouler par rapport à ma créativité - créativité à laquelle j'attache de plus en plus d'importance. Dans le documentaire, Bergman ennumère une liste de ses Démons personnels. Le dernier qu'il nomme est le Démon du Néant. Il décrit cet être comme un grand silence, celui qui règne quand notre imagination et notre créativité nous abandonnent. Il met ce dernier Démon à part des autres car c'en est un qu'il a toujours effroyablement redouté sans jamais avoir eu à l'affronter - et il admet en être grandement reconnaissant. Je me demande si ce Démon de Bergman pourrait en être un pour moi également. Et je me demande comment je réagirais si j'avais à lui faire face. Beaucoup de questions alors que j'ai à peine le quart de ma vie d'écoulé, mais ça, c'est ce que je suis. Je crois que c'est un de mes Démons, le Démon du Questionnement sans Réponse.