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" Книга - друг челавека. " (Livre - ami de l'Homme)

- Proverbe Russe

12 oct. 2010

L'effet

The Idiot, de Kurosawa

       C'est un effet que peu de films ont eu sur moi. Mais chaque fois que l'effet a été présent, le film en a toujours été un qui m'a marqué à vie, comme au fer rouge. Un film qui revient me « hanter » sur une base régulière, qui s'incruste dans mon imaginaire, qui modifie à sa manière les engrenages de ma pensée. Je peux citer parmi ces films Stalker et Andreï Rublev, de Andreï Tarkovski, Alphaville, Le Mépris et Pierrot le Fou, de Jean-Luc Godard, The Idiot (Hakuchi), d'Akira Kurosawa, Metropolis, de Fritz Lang, Sunrise: A Song of Two Humans de Friedrich W. Murnau, La Passion de Jeanne d'Arc et Ordet, de Carl Theodor Dreyer, Dogville, de Lars Von Trier...
       
       La liste peut avoir l'air longuette, comme ça, mais c'est en fait un très très maigre pourcentage des films que j'ai vus. Il se passe quelque chose durant l'écoute de ces films, quelque chose que je ne saurais vraiment exprimer en mots. Le monde entier et notre propre corps se taisent entièrement et laissent toute la place à la relation entre notre esprit et l'œuvre qui défile à l'écran. Le résultat : notre esprit s'ouvre, comme une fleur tôt le matin, et l'œuvre se déverse littéralement en nous, à grand flots fracassants et indomptables. À partir de ce moment, l'œuvre nous habite et sera avec nous pour le reste de nos jours. C'est un impact de ce genre sur l'imaginaire qui donne à l'art toute sa magnificence, ses lettres de noblesse, sa valeur infinie.

Nosferatu - eine Symphonie des Grauens, de Murnau
       J'ai vu un autre de ces films, hier soir. Un film qui est allé se loger directement dans les très haut niveaux de ma liste de films marquants. Il s'agit de Aguirre, der Zorn Gottes, du cinéaste allemand Werner Herzog. Je connaissais déjà Herzog pour son Nosferatu, Phantom der Nacht - remake moderne de Nosferatu, eine Symphonie des Grauens, le grand classique muet de 1922 de Murnau. Dans ce remake, qui met en vedette le très volatile et instable Klaus Kinski, aux côtés d'Isabelle Adjani et de Bruno Ganz (Der Himmel über Berlin, Der Untergang), Herzog accompli l'équivalent cinématographique d'un miracle : prendre une œuvre classique fondatrice comme Nosferatu et la moderniser, lui donnant une touche personnelle, une saveur particulière, tout en laissant l'atmosphère, l'idée générale, l'âme de l'œuvre originale absolument intacte. Bref, je tenais déjà Herzog en très haute estime.

Klaus Kinski dans Aguirre, der Zorn Gottes, de Herzog
       Avec Aguirre, j'ai été simplement pétrifié. Je vois difficilement comment le décrire. Kinski, avec son génie féroce, crève l'écran de manière spectaculaire. Il s'est décrit lui-même comme étant un animal sauvage né en captivité avec, à la place de griffes, un talent d'acteur. Il dégage une rage terriblement humaine. L'histoire est simple : des conquistadors recherchent El Dorado. Malgré la simplicité apparente, c'est tout un univers qui se déplace au gré de l'Amazone. Un bateau coincé dont les occupants se suicident; une mutinerie contre le représentant légitime de la couronne d'Espagne; un petit noble nommé Empereur-pantin d'un nouvel Empire invisible, intangible, à la dérive; des Hommes perdus, désespérés, assoiffé d'or et de pouvoir qui jouent, comme des enfants, à se bâtir un monde imaginaire. Une folie se dégage de chaque scène, une folie que personne ne semble accepter pour ce qu'elle est, une folie qui les tue à petit feu en leur grugeant leur humanité. On voit le bateau envahit de singes, métaphore pour la régression de ces Hommes. C'est un film cruel,  poétique, dérangeant, d'un beauté remarquable, d'une humanité cinglante. L'un des plus marquant que j'ai eu la chance de voir. C'est de l'art. Point.

2 commentaires:

  1. Oh! oh!, j'ai du chemin à faire dans ce domaine. Aucun titre ne me dit rien. Ça ressemble à des prix Goncourt en littérature?

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  2. Difficile de comparer la littérature et le cinéma. Le premier est un art vieux de plusieurs millénaires, le second a à peine plus d'un siècle. Jean-Luc Godard comparait beaucoup les deux, mais je crois que c'est une comparaison qui s'étend difficilement plus loin que son style à lui.

    Disons simplement qu'il s'agit de films marquants pour le cinéma au niveau de l'esthétique, des compositions visuelles, du montage, de la structure, etc. Des films qui ont été encensés dans les festivals de Venise, de Cannes, de Berlin, etc, plutôt qu'aux Academy Awards (sauf pour Sunrise, qui a gagné un Oscar durant la première cérémonie en 1929).

    Je parle vraiment plus de cinéma en tant qu'art que de cinéma en tant que divertissement. Un peu la même différence qu'entre un Dan Brown et un William Faulkner, un Patrick Sénécal et un Marquis de Sade.

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