Citation du maintenant


" Книга - друг челавека. " (Livre - ami de l'Homme)

- Proverbe Russe

18 janv. 2011

Remaniement.

       Je suis fatigué, mais heureux. J'ai passé une partie de la journée à foutre le bordel dans la pièce de ma maison contenant mon ordinateur, mon système télé/blu-ray/xbox et mes instruments de musique. Mon but était de faire entrer mon bureau de travail à un endroit bien précis de la pièce : directement devant la plus grande fenêtre de la maison. Eh bien, j'ai réussis. Encore mieux, même, mon meuble d'ordinateur est contre le mur directement opposé à cette fenêtre, ce qui fait que je peux rouler de l'ordinateur à ma table de travail en une petite poussée sur ma chaise à roulettes. Le bonheur total.

Tolstoï à son bureau de travail, 1908.
       Un espace de travail, c'est quelque chose d'important, pour moi. Je m'en rends compte depuis quelques temps. J'aime un espace dégagé, bien éclairé, qui respire. J'aime avoir un accès facile à tous mes trucs. La plus grande fenêtre de la maison semblais l'endroit idéal où installer mon bureau de travail. Depuis quelques mois, ce bureau était dans mon salon, enseveli sous des cossins. Avec mon cours de russe, j'ai beaucoup d'écriture et de lecture à faire. Je lis souvent dans mon fauteuil, mais c'est propice à une lecture de divertissement, pas à une lecture d'étude ou d'analyse. Puis pour écrire, je devais prendre une petite table pliante style Ikea et la planter devant le fauteuil en question. Fauteuil berçant, table chambranlante, j'étais tout sauf stable. Pas idéal. J'ai soudainement allumé : pourquoi faire mes trucs sur cette petite table minable alors que j'ai un bureau de travail qui dors dans mon salon? Trois heures plus tard, voilà : mon bureau est sous ma fenêtre. J'ai carrément hâte à demain pour pouvoir avoir le plaisir de m'installer à ce bureau, en avant-midi, avec la fenêtre devant moi qui donne plein-sud, puis écrire.

       L'image de l'écrivain à son bureau de travail a quelque chose d'inspirant et d'immortel, sans âge ni époque. Peut-être que la prochaine étape sera l'achat d'un petit portable dédié à l'écriture, sans internet et ses distractions, que je pourrai poser sur mon bureau pour écrire à mon aise.

       Vous avez un espace de travail?

2 janv. 2011

Le château des Hommes

Bamborough Castle, J.M.W. Turner, circa 1835

       C'est dans le port du Grand Rien que notre vieux rafiot accostera. Le quai, jeté à la mer par des mains sales, résonnera sous nos pas, un écho accablé. Une tempête accueillera nos yeux. Un vent tranchant ouvrira nos lèvres gercées par le sel; du sang en giclera. Nos pas guiderons nos corps vers le mucus des plages noires. Des vagues de pus et de mousse s'abattront derrière nous, effaceront les traces de nos semelles usées. Au large, des pêcheurs tireront des filets. À travers les orages, ils ne trouveront comme prises que de vieux clous rouillés. Ils reviendront vers le rivage par élans de souffrance, voiles pleines de cris et complaintes. Une fois à portée de voix, ils supplieront leurs femmes de fixer leurs amarres. Des enfants osseux geindront, se colleront à nos jambes. Nous marcherons.
        Notre chemin nous mènera vers un château, au sommet d'une falaise fendant la mer en quatre : grand bâtiment blanc né de la terre, sculpté par les brumes. Sa fondation sera un ressac violent où nous ne pourrons trouver refuge sans nous briser. Nous laisserons derrière nous cette plage où Hommes et chiens s'adonnent aux douleurs de l'amour. Nous passerons un cimetière vaste comme un monde : des pêcheurs y seront à polir rangée après rangée de monuments funèbres, chassant chats et corbeaux à coup d'injures. Nous ne regarderons pas, mais hisserons nos chairs vers le refuge du sommet. Le cri du vent suivra celui de nos gorges; le grincement du couchant, celui de nos genoux. Nous jetterons un regard lent vers le quai, tout en bas : notre rafiot sera là, assailli par un village de pillards. D'autres formes, buboniques, pliées, tenterons de fuir cette terre par où nous serons venus. L'embarcation se heurtera aux pointes du ressac – plusieurs corps seront déchiquetés. La mer crachera des roses sur la plage.
        Au château, nous trouverons un enfer de chaînes et de portes. Nous entrerons, sous le regard de gargouilles. Dans une pièce, un trône vide se tiendra. Partout, les pierres blanches, fixées contre l'acier du ciel – et le regard des monstres sculptés. Le trône appellera nos cœurs, les affligera d'un ardent désir de conquête. Nous voudrons un royaume bâtit de nos mains, conquit par notre sang. Nos veines en pulseront, presque à fendre; nous n'obtiendrons que des tombes. Nous nous y laisserons choir, sans soupir. Dans notre dernier souffle, les gargouilles, du haut des murs, souriront.


        Elles nous emporteront.