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Arcturus |
Je suis un grand fan de
Vintersorg et
Borknagar. J'aime énormément
Arcturus,
Age of Silence et
Solefald. Ici, on entre dans les trucs moins accessibles, avec des influences de musique folk, une grosse touche progressive, souvent même carrément avant-gardiste. C'est des musiciens qui réfléchissent sérieusement à ce qu'ils expriment par leur musique et si un solo d'accordéon par-dessus un beat techno-crasseux ou un monologue de 10 minutes semblent être un chemin intellectuellement significatif, ils ne vont pas se gêner pour couper un riff de guitare et un beat de drum hyper violent pour les incorporer. Ces bands ont la curieuse tendance à venir souvent de Scandinavie, de Norvège, plus particulièrement, où les musiciens d'un cercle bien connu s'échangent les collaborations et font bouillonner une vraie mine d'or de musique originale, intéressante et songée.
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Couverture de l'album Butchered at Birth, de Cannibal Corpse |
Plusieurs d'entre vous connaissez surement des groupes comme
Cannibal Corpse (on les voit dans le film Ace Ventura). Peut-être même
Suffocation. Du gros death metal bien gras et bien méchant. Comme le dit mon chum Jef, c'est de la musique qui donne «
le feeling du tueur.» Juste en écouter, ça défoule. Pas mon genre de prédilection, mais une fois de temps en temps, une bonne dose, ça remet les idées en place. Sinon, je suis plutôt le genre death technique, vous n'avez qu'à aller voir
Spawn of Possession,
Atheist ou
Cynic. Apprendre à jouer ce type de matériel prend énormément d'expérience et de talent. On parle souvent de musiciens qui ont un bacc, une maitrise ou même un doc en musique jazz ou classique. Bref, c'est pas juste des punks qui font du bruit.
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Varg Vikernes, à son entrée en cours en mai 1994 |
J'ai un énorme faible pour le black metal. Avec ce style là, on commence vraiment à entrer dans un monde de fuckés. Des bands comme
Burzum et
Mayhem ont des histoires de suicides et de meurtre et d'incendies d'églises chrétiennes en Norvège dans les années 90. En 1993, Varg Vikernes, le mec de Burzum (également bassiste de Mayhem à cette époque) s'est « défendu » d'un supposé assaut de Euronymous, guitariste de Mayhem - il s'est défendu en lui assenant 23 coups de couteaux, dont plusieurs dans le dos. Ça sonne bidon, surtout quand on connait les problèmes internes auxquels Mayhem faisait face au plan des décisions à prendre par rapport à la distribution de leurs albums. C'est ce même type, Vikernes, qui a commis plusieurs des incendies d'églises mentionnés ci-haut. Il s'agit ici d'un mouvement non pas satanique, mais anti-chrétien à forte tendances vers les religions païennes scandinaves. Et un lien peut souvent être fait entre la scène black metal et les mouvements néo-nazi ou
white-power. Reste que ces deux bands, Burzum et Mayhem, sont parmi mes favoris pour ce style de musique. Les artistes sont souvent un peu fous - c'est vrai partout, tout le temps. Et je pourrais sortir d'autres histoires de ce genre reliées au milieu black metal. Les amateur du genre les connaissent toutes, les racontent souvent avec une touche de fierté inconsciente. «
Les musiciens que j'aime sont plus fous que ceux que tu connais, mon style de musique est trop particulier pour toi, t'es pas prêt à faire face à tout ce que ma musique représente. » J'ai vu ça souvent, chez des jeunes qui entrent tout juste dans ce milieu. Pas très différent des jeunes rappeurs qui s'habillent en
gangsta et commettent des vols pour être
hots devant leur
chums. Des jeunes qui se cherchent, quoi, et à qui il est difficile d'en vouloir, mais qui parfois commettent des gestes irréparables. La vie est partout pareille.
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Darkthrone |
Reste que ce type de... situation particulière (?) est l'affaire presque exclusive d'une minorité bien spécifique la scène black metal. On peut parler de bands comme
Immortal,
Keep of Kalessin,
Judas Iscariot,
Darkthrone ou
Nargaroth qui, tout en ayant parfois une histoire mouvementée, ne vont jamais aux extrêmes mentionnés plus haut. Dans la majorité des cas, au sein des fans de ce genre de musique, le sentiment face à ces incidents est une neutralité un peu attristée. La position juste (ou idéale) est difficile à saisir : on aime la musique que ces musiciens produisent, mais on veut se dissocier de leur histoire, de leurs idéaux parfois racistes ou extrémistes. On dit aimer leur musique pour ce qu'elle est tout en mentionnant qu'on se balance complètement du fait que l'artiste soit un meurtrier néo-nazi. Et vous savez quoi, dans 90% des cas, c'est vrai : la musique est tout ce qui importe.
Je crois que cette dernière phrase est une bonne conclusion - la musique est tout ce qui importe - car dans le fond, le metal, peu importe le style, c'est précisément ça : la musique, et rien d'autre. Le show est intéressant, les histoires peuvent attiser la curiosité, mais c'est la passion pour la musique qui garde tout ça en vie. Ce devrait être une évidence, mais ça se perd dans les méandres de rumeurs et d'images négatives perpétrées depuis les années 80 quand Alice Cooper prenait plaisir à se prendre pour Satan, sur scène.
On reconnait un
vrai quand on en voit un. Et les vrais, ils laisseraient tomber le métal pour rien au monde.
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Blind Guardian |
Ce qui m'a motivé à écrire ce billet, c'est ma soirée d'hier : j'étais au Metropolis, au show du band qui m'a introduit au monde métal et qui est resté mon band préféré, indétrônable en plus de dix ans.
Blind Guardian.
J'ai passé tout le temps de leur prestation dans la foule, sur le par-terre, à me faire aller comme un diable. Ils jouent un type de métal fortement axé sur la vitesse. En langage métal, c'est synonyme de thrash pit. Vous savez, ces cercles au milieu des foules dans lequels les gens se lancent dans tous les sens, les uns contre les autres? Et oui, j'y participe à chaque occasion que j'ai. J'adore. Ça défoule, ça entraine, ça rend vivant, ça soulève. C'est violent. Parfois, on tombe - mais on se fait rapidement relever par les autres participants - tout le monde garde toujours un œil ouvert, prêt à tout arrêter pour relever un confrère tombé combat. Un contact visuel pour s'assurer que tout va bien, une tape dans le dos, et puis on se fait relancer dans le tourbillon. Quelques fois, on se fait mal. Ça fait partie du jeu. No big deal. On prend un repos de 5-10 minutes et on recommence, un peu de sang séché encore crouté en dessous du nez. Ça n'a pas d'importance. J'ai moi-même gardé quelques bleus de ma soirée d'hier. Je les regarde en riant, en me rappelant le bon temps que j'ai passé. La musique qui file à 300 à l'heure dans l'air autour, les gens dans le trash savent qu'un solo de guitare totalement dingue débute dans 10 secondes. Tout le monde prend son souffle et 5... 4... 3... 2... 1... quand le soliste commence à enfiler les notes à une vitesse folle, c'est le regain d'énergie et le pit au complet se remet en mouvement. C'est dément. C'est unique.
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The Bard's Song - In the Forest, la balade emblématique |
Et puis le chanteur nous annonce une pause. La balade de guitare acoustique emblématique du band - celle qui leur a valu leur surnom de
Bardes du Métal - débute. Tous ceux qui étaient affairés à se jeter les uns contre les autres 15 secondes plus tôt se prennent par les épaules, une file de fans essoufflés et en sueur, et avec le reste de la salle, tout ce beau monde chante les paroles à saveur médiévale, histoire d'un barde et de ses chansons mystiques sorties d'un monde de dragons, d'elfes et de magie. Le chanteur du band se tait, regarde la foule de 1000 personne chanter à sa place et la satisfaction qui est si présente dans l'assistance apparait dans toute sa lumière sur le visage des musicien - des bardes. Si vous avez 3 minutes de libre, allez voir
ce vidéo d'une prestation de cette pièce devant public. Ça aussi, c'est unique. Qu'on vienne me dire après que la magie existe pas.
Mais le métal, ça bouge. Aussitôt cette pièce terminée, le chanteur le confirme : « back to the serious stuff. » Et devinez quoi? Eh oui, le thrash se remet en mouvement, la sueur se remet à couler. Et puis un coup dans les côtes qui fait perdre le souffle, c'est vraiment pas si grave.