Ingmar Bergman |
Je viens de terminer l'écoute de Bergman Island, un documentaire paru en 2004. Au fil de ses 80 minutes, on partage l'intimité du (très) grand cinéaste Ingmar Bergman - à la fois l'intimité de son foyer sur l'île de Fårö, en Suède, et l'intimité de ses pensées, de son bagage de vie. Cet Homme s'offre tout entier à Marie Nyreröd, qui mène l'interview autour duquel le documentaire se construit. Connaissant relativement bien l'œuvre de Bergman - plusieurs de ses films se sont inscrit en moi de manière absolument indélébile - je n'ai pu que fixer mon écran de télévision et boire chacune des paroles de cet homme habité par un besoin de créer. Son honnêteté est belle, troublante, parfois même cruelle.
Pour le p'tit jeune que je suis, moi qui commence à découvrir le rapport entre un Homme et sa fibre créatrice, l'immense sentiment d'accomplissement de soi qu'elle peut fournir, ce documentaire a été une expérience quasi spirituelle. Bien sur, je n'ai pas été d'accord avec chacun des mots de Bergman : j'ai un sens critique en plus d'avoir mes propres idées sur bien des choses. Mais voir un homme de sa stature poser un regard franc sur le chemin qu'il a laissé derrière lui, autant ses bons jours que ses moins bons, ne peut qu'être inspirant. Un tel partage de la part d'un artiste aussi imposant mérite mille fois d'être immortalisé sur vidéo.
Det Sjunde Inseglet, 1957 |
Ici, je me rend compte que, en fait, je ne sais pas trop où je voulais en venir avec ce billet. Remarquez, je vis de manière assez forte avec ma propre créativité depuis quelques mois. Plusieurs des enseignants que j'ai eu le bonheur d'avoir à l'UQÀM m'ont permis de trouver le moyen de puiser dans des ressources dont je ne soupçonnais même pas l'existence il y de ça moins de deux ans. Je crois que j'ai pu trouver une certaine forme de miroir dans cet Ingmar Bergman qui s'ouvre tout grand. Je me rend compte de la beauté qu'une vie passée à créer peut contenir. Je me rend compte que nos plus grands succès ne sont pas nécessairement ces projets auxquels nous accordions le plus d'importance. Je me rend compte que l'on peut voir nos projets les plus chers faillir, s'écrouler entre nos doigts comme une statue de poussière et ainsi, malgré un succès fulgurant dans un « ailleurs » quelconque, notre paix avec la vie peut rester difficile à atteindre. La paix, je crois, plus que le bonheur, est ce qu'on cherche tous. La vraie paix.
Ingmar Bergman |
Je songe à tout ça et j'ai un peu le vertige. Je me demande comment ma vie va se dérouler par rapport à ma créativité - créativité à laquelle j'attache de plus en plus d'importance. Dans le documentaire, Bergman ennumère une liste de ses Démons personnels. Le dernier qu'il nomme est le Démon du Néant. Il décrit cet être comme un grand silence, celui qui règne quand notre imagination et notre créativité nous abandonnent. Il met ce dernier Démon à part des autres car c'en est un qu'il a toujours effroyablement redouté sans jamais avoir eu à l'affronter - et il admet en être grandement reconnaissant. Je me demande si ce Démon de Bergman pourrait en être un pour moi également. Et je me demande comment je réagirais si j'avais à lui faire face. Beaucoup de questions alors que j'ai à peine le quart de ma vie d'écoulé, mais ça, c'est ce que je suis. Je crois que c'est un de mes Démons, le Démon du Questionnement sans Réponse.